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Le chef Mathieu Viannay, héros de la BD « 12 rue Royale »

12 rue royale ou les sept défis gourmands - Teaser

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Renaissance d'un temple de la gueulardise lyonnaise - slate.fr

Première partie des monuments revisités par des chefs étoilés, la Mère Brazier à Lyon.

Saturday 11 April 2009

Orpheline à l'âge de dix ans, élevée dans une ferme de la Bresse où elle veillait sur les égarements des porcs, Eugénie Brazier achète en 1921 un modeste estaminet (12.000 francs) rue Royale, tout près de l'Hôtel de Ville, quinze couverts, menu du déjeuner à cinq francs et pot de beaujolais. Elle mitonne les plats de la tradition locale qu'elle a appris chez Françoise Fillioux, ex-cordon-bleu chez le patron des assurances La France, un fin gourmet - le saucisson chaud en brioche, le fond d'artichaut (froid) recouvert de foie gras qu'elle fait venir du Périgord, les quenelles de brochet sauce crémée aux champignons, la poularde demi-deuil aux lamelles de truffe glissées sous la peau et les pommes cuites escortées d'une brioche - immuable répertoire de l'accorte Eugénie. C'est la France de Zola, l'aube de la grande cuisine.

Les beaux jours

Dotée d'un palais hors pair, dure au mal - le poids des gamelles fumantes - Eugénie a vite fait de conquérir la clientèle des fins becs de Lugdunum, à commencer par le maire Edouard Herriot à la fourchette redoutable, des cohortes de soyeux en affaires, et des flopées de bourgeois en goguette qui s'encanaillent chez la bonne mère, laquelle va former Paul Bocuse, Alain Chapel et Bernard Pacaud, futur trois étoiles de l'Ambroisie place des Vosges à Paris - le gaillard fut son bras droit et la délicate poularde au goût incomparable reste sa préparation d'anthologie.

Une courte carte de spécialités bressanes, car de cuisine lyonnaise, il n'y en a point, clamait Raymond Thuilier, le génial inventeur de l'Oustau de Baumanière qui fut Lyonnais. Mais c'était rudement bon car la Mère ne se trompait pas sur la qualité des produits de base - elle avait l'œil, le goût sûr, les gestes justes, et les maquignons des Halles redoutaient ses coups de gueule quand ils tentaient de la gruger.

Douze ans plus tard, Eugénie décroche les trois étoiles du Michelin, un exploit unique dans les annales de la restauration : songez que l'ex-fille de ferme rejoint et égale La Pyramide de Fernand Point, et à Paris Lapérouse, Larue, Lucas Carton et La Tour d'Argent. Ce n'est pas rien. Et cerise sur le gâteau, le Guide rouge offre la triple couronne au baraquement de la Mère au Col de la Luère (680 mètres) où, l'été, elle installe son piano à charbon «pour respirer l'air pur».

Deux fois trois étoiles pour la vestale des fourneaux dans un monde très macho, la Mère a laissé son nom dans l'histoire de Lyon et de la France du bien manger. Elle s'éteint en 1977 dans la solitude après la mort de Gaston, son fils, aux commandes du restaurant déclassé de la rue Royale. Triste décadence.

Une deuxième vie

En mars 2008, le cuisinier angevin Mathieu Viannay rachète au Tribunal de Commerce le fonds de commerce «Mère Brazier» dans un état lamentable, une ruine saccagée par les anciens propriétaires qui ont eu l'insigne bêtise de recouvrir le carrelage des murs par des pans de bois. Mais la carcasse, les volumes, les salons sont là et Viannay investit 800.000 euros dans la rénovation de l'établissement, décoré sobrement par Alain Vavro.

Passé par Chez Henri Faugeron (deux étoiles à Paris), les wagons-lits et la restauration du groupe Accor France en 2004, Meilleur Ouvrier de France, sans l'aide d'aucun maître, il veut redonner vie et notoriété à La Mère Brazier, dans cette maison mythique de la gueulardise lyonnaise.

En octobre 2008, il réouvre le restaurant tout neuf et présente sa première carte où figurent les spécialités de la Mère, personnalisées et recomposées: l'artichaut taillé en cornet posé à côté d'une tranche de foie gras poêlé, le pâté en croûte de volaille et foie gras à la place des terrines Brazier, et la superbe poularde demi-deuil en deux services aux petits légumes - pas de quenelles de brochet saucées car Viannay réfléchit à une nouvelle mouture.

«Je n'ai pas voulu faire du célébrissime restaurant un musée, explique ce long jeune homme au langage châtié. D'abord, la Mère envoyait peu de plats, qui ont eu leur temps. Je tenais à exprimer mes envies, et mon savoir-faire contemporain. Et puis, nous ne mangeons pas comme en 1930. Il s'agit d'évoluer, sinon c'est la stagnation, une sorte de lassitude qui entraîne des bévues, des négligences.»

Il n'a pas tort, le bougre: voyez le fils Troigros, Michel, à Roanne, 51 ans, qui en est au quatrième opus du saumon à l'oseille qui date de 1975.

Tartelette de grosses langoustines aux petits légumes et vinaigrette (40 euros), fricassée de morilles et pointes d'asperges à l'œuf au plat (38 euros), filet de sole au caviar d'Aquitaine et émincé d'artichaut (60 euros), volaille de Bresse et homard sauce suprême (50 euros), subtile variante du poulet aux écrevisses, pomme de ris de veau rôtie, petits pois à la française (40 euros), Paris-Brest, glace noisette (11 euros). Voilà des préparations goûteuses, sans chichis, de style néo-classique qui sont plébiscitées par les Lyonnais, 70 couverts au dîner. C'est la deuxième vie d'Eugénie Brazier, la mémoire retrouvée. Autre cerise, le Guide rouge a accordé deux étoiles à l'avisé Viannay - cinq mois seulement après l'ouverture. Michelin et les marmites lyonnaises, même combat.

La semaine prochaine, Patrick Henriroux chez Fernand Point à Vienne.

Nicolas de Rabaudy

La Mère Brazier, 12 rue Royale 69001 Lyon. Tél. : 04 78 23 17 20. Menus à 35 euros au déjeuner, et 55, 75 et 95 euros au dîner. Carte de 80 à 120 euros. Fermé samedi et dimanche.

La Mère Brazier - L'Express

Mathieu Viannay reprend la maison et c'est tout Lyon qui replonge avec délice dans les marmites de son histoire...
Une petite dame modeste, plus Gerland que Tête-d'Or, apprêtée comme un sou neuf, pas un cheveu qui dépasse du chignon. Attablé en face d'elle, son fils. Avec l'accent des canuts, elle lui dit une chose comme: "prends ce qui te plaît, mon chéri, de toute façon il n'y avait plus de place dans la tirelire, il fallait bien la casser..." Alors, il y va. Coupe de champagne, pâté en croûte de volaille de Bresse et foie gras, fricassée de ris de veau et homard, plateau de fromages, soufflé Grand Marnier et granité à l'orange, café, mignardises. Avec des mmm! à tous les coups de fourchette... Dans quelques décennies, le fiston se souviendra de ses 30 ans avec maman. Chez la Mère Brazier.

Mathieu Viannay fait à nouveau rêver les Lyonnais avec un nom qu'ils s'apprêtaient à oublier. C'est vrai, Jacotte n'était pas Eugénie. Pendant trente ans, la petite-fille a maintenu sous assistance respiratoire les faitouts de sa grand-mère. Le coeur battait mou. A petits bouillons s'évaporait la légende de celle qui, en 1924, fit rimer la première Lugdunum avec gastronomes, forma Paul Bocuse et Alain Chapel, nourrit Edouard Herriot, collectionna les étoiles Michelin.

La matrone n'aurait pas renié ce nouveau fils adoptif. Pas tout à fait lyonnais, certes, maigre comme un ascète à jeun, mais suffisamment cuirassé derrière son macaron Michelin décroché avenue Foch et son col tricolore de meilleur ouvrier de France pour avoir su exhumer le génie Brazier.

Le lieu, d'abord. Viannay a chargé le décorateur Alain Vavro de retrouver sous le maquillage du temps les traits originels de la maison -un plafond à la française, de splendides fresques en faïences versicolores qui roupillaient sous d'épaisses boiseries...- pour mieux les surligner de touches contemporaines bien dosées. Mêmes dispositions aux fourneaux. Des recettes historiques, soit, mais jamais appliquées au pied de la lettre. Le fameux artichaut au foie gras prend désormais la forme d'un petit violet taillé en cornet, encore croquant, dans lequel vient se lover une bille de foie gras, ainsi que d'un fond d'artichaut camus en vinaigrette surmonté d'un lobe de foie gras poêlé. Une réussite. La volaille de Bresse demi-deuil, autre fleuron de l'institution, est truffée sous peau, pochée, servie en deux fois, selon les coutumes en vigueur, mais accompagnée d'une digressive sauce suprême. Autre réussite.

A coups de Saint-Jacques au citron confit et poivre vert, de saint-pierre à la plancha et de variations givrées et meringuées autour du citron, le chef prend encore la tangente. Mais à pas feutrés, comme pour mieux relever ce noble défi: rallumer le mythe sans se brûler les ailes.

12, rue Royale, Lyon (Ier), 04-78-23-17-20. Menus: 35 euros (déjeuner), 55, 75 et 95 euros. A la carte: 90 euros. Ouvert de midi à 13 h 30 et de 19 h 45 à 21 h 30. Fermé le week-end.

 

La mère Brazier, « vestale de la table » - L'Humanité

Faire l’impasse sur le rôle déterminant des femmes reviendrait à nier tout un pan de nos traditions culinaires…

Sans vouloir plagier les féministes, force est de constater que les fourneaux demeurent l’apanage du « deuxième sexe »… Et pourtant, la grande histoire de la table n’en finit pas de s’écrire au masculin. En mettant de côté l’intitulé de certains plats, rares sont les dames ayant droit au chapitre dans les ouvrages culinaires. Il faut dire qu’aucune belle ne fut jugée capable, soixante-dix ans durant, de porter le symbolique col bleu, blanc et rouge distinguant les meilleurs ouvriers de France. Ce n’est qu’en 2007 que prit fin, avec Andrée Rosier, de l’Hôtel du Palais, cet ahurissant ostracisme. L’année même d’ailleurs où le Guide rouge attribuait trois étoiles à une cuisinière, Anne-Sophie Pic. Un tel événement n’était pas arrivé depuis 1951. L’heureuse lauréate se nommait Marguerite Bise. Son gratin de queues d’écrevisses, sa poularde de Bresse à l’estragon, son omble chevalier et sa féra enchantaient depuis longtemps les gourmands, Churchill, Guitry et l’Aga Khan en tête, sur les bords de ce lac d’Annecy qui faisait se pâmer l’impératrice Eugénie…

Le machisme, décidément, envahit tout autant la bonne chère que les autres plaisirs, celui du sexe continuant bien sûr d’occuper la plus haute des marches ! N’en déplaise aux petits penseurs phallocentriques, la femme n’est pas seulement capable d’assurer le quotidien. Elle peut se faire remarquable cordon-bleu et devenir, en plagiant la jolie phrase d’Aragon, « l’avenir de la gastronomie » ! Que les semeurs d’étoiles laissent la portion congrue aux créatures portant jupon ne saurait faire oublier l’irremplaçable rôle joué par les vestales, au premier rang desquelles celles que l’on appelait les « mères ». Les traboules lyonnaises, notamment, en portent encore un souvenir ému. Après avoir régalé les grandes familles bourgeoises de la capitale des Gaules, elles se mirent à leur compte, en mitonnant une cuisine simple mais raffinée. Eugénie Brazier fut l’une d’entre elles.

Celle que l’on appela donc « la mère Brazier » était née en 1895 dans une famille de pauvres paysans de la Bresse. À cinq ans, elle garde les cochons. Quand les yeux de sa mère se closent à jamais, elle est placée comme fille de ferme. Découvrant un jour son ventre rond, son père la rejette. Elle devient « bonne à tout faire » à Lyon, chez de riches fabricants de pâtes alimentaires. Par charité peut-être, ils la présenteront à la mère Filloux, une modeste qui affirmait : « La confection d’un plat nécessite des années d’expérience. J’ai passé ma vie à en faire quatre ou cinq, de sorte que je sais les faire et je ne ferai jamais rien d’autre… » Elle découvre chez elle des produits de première qualité et apprend à ne lésiner ni sur le beurre, ni sur la crème ! Lorsque le grand âge de sa patronne l’écarte des pianos, Eugénie la remplace, sans jamais toutefois se voir confier la découpe du poulet dans la salle - toujours un par table, même s’il n’y a qu’un seul convive !

Après un séjour à la Brasserie du Dragon, elle rachète un ancien estaminet. Le chroniqueur Curnonsky la désigne comme « la sainte gastronome ». Quenelles au gratin, langouste belle aurore, volaille demi-deuil, fonds d’artichaut au foie gras et galette bressane aidant, le restaurant « la Mère Brazier » obtient en 1933 la consécration suprême : il fait partie de la première promotion des triples étoilés du Michelin pour cette rue Royale, mais également pour le deuxième établissement qu’elle vient de créer au col de la Luère - où elle formera du reste un certain Paul Bocuse ! Avec son verbe haut, son tablier blanc et ses cheveux soigneusement tirés, la petite paysanne illettrée - dont Édouard Herriot disait : « Elle fait plus que moi pour la renommée de la ville » - refusera jusqu’au bout de céder aux mirifiques offres d’un palace new-yorkais lui proposant la direction des cuisines…

Jacques Teyssier

Le chef étoilé Mathieu Viannay fait renaître à La Mère Brazier - Le Point

Par Nicole DESHAYES

Véritable institution bien au-delà des frontières de Lyon, le restaurant La Mère Brazier, trois étoiles au Michelin pendant près de 50 ans, qui avait fermé ses portes en 2007, renaît sous la houlette du chef étoilé Mathieu Viannay.
Véritable institution bien au-delà des frontières de Lyon, le restaurant La Mère Brazier, trois étoiles au Michelin pendant près de 50 ans, qui avait fermé ses portes en 2007, renaît sous la houlette du chef étoilé Mathieu Viannay.

Depuis longtemps, ce chef de 41 ans, Meilleur Ouvrier de France en 2004, essayait de trouver "une autre affaire" car "la cuisine était trop petite" dans le restaurant qu'il dirigeait précédemment à Lyon, où il a décroché une étoile au Michelin.

Apprenant début janvier que le célèbre bouchon créé en 1921 par Eugénie Brazier, et vendu en 2004 par sa petite fille Jacotte, est placé en liquidation judiciaire, Mathieu Viannay se dit "qu'il ne faut surtout pas que ce restaurant emblématique tombe à la casse". "C'est un nom magique, qui jouit d'une telle image à l'international", rappelle-t-il.
Eugénie Brazier avait été la première femme ayant obtenu deux fois trois étoiles au Michelin pour ses restaurants à Lyon et dans les Monts du Lyonnais.
"Tombé sous le charme" de l'établissement, Viannay le rachète fin mars et entreprend de "tout refaire", de l'électricité jusqu'aux canalisations d'égouts inexistantes.
Les boiseries sombres sont arrachées et laissent apparaître des faïences des années 1920. Seuls les pieds de table et les tables bistro sont conservés, tandis que les cuisines sont entièrement modernisées.

"Mais nous n'avons pas touché aux cloisons et nous avons conservé les petits salons car je voulais garder l'âme des lieux", souligne Viannay qui a ouvert le 14 octobre.
D'Edouard Herriot, ancien maire de Lyon et président du Conseil, à l'ancien Premier ministre et maire de Lyon Raymond Barre, "tous ceux qui à Lyon ont compté en politique ont mangé ici, tout comme le show-biz", raconte le chef, ajoutant: "si les murs devaient parler, j'aurais été éditeur et non pas cuisinier".

Des grands classiques qui ont fait la réputation de la Mère Brazier, Viannay n'en garde que quelques uns, mais "réinventés au gré des saisons et de la fantaisie".
Ainsi, l'"artichaut au foie gras" marie un artichaut poivrade, surmonté d'une bille de foie gras, et un émincé de fond d'artichaut accompagné d'une tranche de foie gras rôti parfumé de balsamique: "une réinterprétation épatante", assure à l'AFP Jacotte Brazier, "enchantée de voir cette maison revivre".

De même, la célébrissime "volaille de Bresse Demi-Deuil" --du nom des lamelles de truffes glissées sous la peau--, connaît une seconde jeunesse grâce aux "légumes de saison". Mais avec un "petit clin d'œil" au passé: "nous avons gardé les petits pots de cerises au vinaigre, cornichons et vinaigrette", note le chef.
Sa cuisine, Mathieu Viannay la définit comme "moderne, avec une base classique" et une "attention particulière aux cuissons, ajustées au degré près", aux "produits de saison" et aux "alliances", à l'image de ses "coquilles Saint-Jacques au citron confit".

La "crise"? Il "n'y pense pas". "On fait attention aux prix, mais par temps de crise, assure-t-il, les gens ont besoin de se faire plaisir et si on est bon, on a notre carte à jouer".

 

Chez la Mère Brazier : envoyez la sauce ! - Le Monde

Célèbre restaurant lyonnais créé en 1921, La Mère Brazier vient de rouvrir ses portes. A sa tête, Mathieu Viannay, 40 ans, jeune cuisinier accompli, meilleur ouvrier de France (2004), ayant fait ses preuves dans cette ville autrefois consacrée "capitale mondiale de la gastronomie".

Depuis le retrait de Jacotte, en 2004, petite-fille de la Mère Brazier, le 12, rue Royale, Lyon-1er, adresse célèbre entre toutes, avait vite perdu son éclat et sa clientèle. Prudemment, Mathieu Viannay s'est assuré des soutiens indispensables, en particulier celui de Paul Bocuse, qui fut apprenti chez la Mère Brazier en 1945 et règne encore, à 82 ans, sur le monde des casseroles. Relever un établissement aussi prestigieux peut sembler une gageure tant les usages, les goûts même ont évolué depuis l'époque triomphale du fond d'artichaut au foie gras et de la volaille de Bresse en demi-deuil.

Il a d'abord fallu rénover l'établissement et retrouver, si possible, le génie du lieu. La surprise fut la découverte, sous les lambris de l'étage, d'une série de décors en carrelage versicolore de grand caractère datant des années 1920. Autrefois, le petit salon-bar de l'entrée était réservé aux habitués. Aujourd'hui, même tarif pour tout le monde ; la grande carte comme le menu du déjeuner (35 euros) sont servis dans tout l'établissement.

Habilement, les grands classiques ne sont pas dissociés de la cuisine d'aujourd'hui : le traditionnel pâté en croûte à la volaille de Bresse et au foie gras voisine, sur la carte, avec des coquilles Saint-Jacques au beurre salé, citron confit et poivre vert, tandis que le tronçon de sole au beurre noisette précède le saint-pierre à la plancha.
Comment Mathieu Viannay allait-il se sortir de l'artichaut au foie gras, un poncif de la maison ? Un petit violet, entier, laissé croquant à la cuisson, est taillé en forme de cornet dans lequel est insérée une bille de foie gras de canard. Sur la même assiette, un fond d'artichaut camus émincé accompagne un tronçon de foie gras cuit, coloré au vinaigre et bien assaisonné. La forme est libre, demeure l'esprit d'une recette capable encore de surprendre les plus blasés.

La volaille de Bresse demi-deuil aux petits légumes et cerises au vinaigre (truffée sous la peau et pochée), autre fleuron de l'institution, n'autorise guère de digression, car les nuances de ses apprêts sont dans la mémoire collective et la sauce suprême ne s'improvise pas. C'est un velouté de volaille monté à la crème "qui doit être d'extrêmes blancheur et délicatesse", indique Auguste Escoffier (1903) ; cette sauce marque "le suprême degré de succulence que peut atteindre le velouté", ajoute Prosper Montagné (1938).
Dans la version 2008 de cette sauce, Mathieu Viannay ne s'écarte pas du chemin. Il assure la transmission. Les mères lyonnaises étaient toutes d'excellentes saucières. "Point de sauce, point de salut, point de cuisine", dit le marquis de Cussy. Balzac confirme : "La sauce est le triomphe du goût en cuisine", et Curnonsky d'ajouter : "Les sauces sont la parure et l'honneur de la cuisine française. Elles ont contribué à lui procurer cette précellence que personne ne discute." Ces certitudes sont-elles la manifestation récurrente d'un ethnocentrisme maintes fois constaté par ailleurs, le réflexe obsidional de populations assiégées par la pizza ou le hamburger ?

Outre-Atlantique, le propos est confirmé par l'écrivain et journaliste américain Ambrose Bierce (1842-1914) pour qui la variété des sauces "est le plus incontestable des repères de la civilisation et de l'élévation de l'esprit. Un peuple sans sauce aucune a mille vices". Propos sans appel, mais qu'il faut nuancer car il provient de son Dictionnaire du diable (1911). Maurice des Ombiaux, en Wallon éclairé et bienveillant, observe dans les années 1930 que "la sauce est une science, et aucune science n'apparaît spontanément chez l'homme". A quoi, Jean-Paul Aron, plus près de nous, ajoute : "Les sauces naissent des sauces par simple nuance, comme le velouté travaillé, du velouté simple. L'art des sauces ressemble au jeu des poupées russes."

Eugénie Brazier (1895-1977) a assuré le lien pendant les années de crise et de guerre. Au moment où est lancé le débat sur l'inscription de la cuisine au patrimoine immatériel de l'Unesco, son exemple mérite l'attention : ses sauces, issues des produits qu'elles ont vocation à mettre en valeur, sont peut-être la grande, sinon la seule, véritable originalité de la cuisine française.

Les Disciples d'Escoffier qui ont remis à l'honneur le Dîner d'Epicure - un repas qui sera servi le 26 octobre dans vingt-deux pays différents - ne s'y sont pas trompés. Ils réalisent le même menu servi le même jour "partout où six hommes de goût peuvent se rencontrer autour d'une bonne table", inspiré des recettes de leur maître : le consommé de homard à la royale, le filet de sole Floréal et le mignon de veau prince Orloff, trois plats dans lesquels la sauce se doit de "quintessencier chaque nuance", selon l'expression de Grimod de La Reynière.

La Mère Brazier. 12, rue Royale, 69001 Lyon. Tél. : 04-78-23-17-20. Fermé samedi et dimanche. Au déjeuner, formule à 31 € ; menu à 35 € ; menu d'automne à 55 € ; dégustation à 75 €. Volaille de Bresse demi-deuil (pour deux ou quatre personnes) : 120 €.
Les Secrets de la Mère Brazier, préface de Paul Bocuse, avec la collaboration de Roger Moreau (Solar, 2001, 279 p., 15 €).
Disciples d'Escoffier : disciples-escoffier.com.

Jean-Claude Ribaut

 

La Mère Brazier rallume ses fourneaux - Liberation.fr

Critique
Goût. L’institution lyonnaise rouvre ses portes sous la direction du chef Mathieu Viannay.

OLIVIER BERTRAND

La Mère Brazier est de retour. Triple étoilée au Michelin durant une cinquantaine d’années, l’institution lyonnaise avait fermé ses portes en 2007. Ainsi était acté l’essoufflement de la cuisine des mères, ces matrones qui avaient le souci du produit, l’amour de la crème et du beurre chevillé aux casseroles. La voilà qui rouvre ses portes cette semaine, sous la direction du chef Mathieu Viannay, une étoile au Michelin dans son ancien restaurant. Le jeune homme a dépoussiéré le lieu, revisité la cuisine, tout en conservant l’âme de l’établissement, ses petits salons en faïence, et ses volailles demi-deuil.

L’endroit avait été créé par la mère Brazier, paysanne illettrée née dans l’Ain en 1895. A 5 ans, Eugénie garde les cochons et ne mange de la viande qu’une fois par an. Elle se jure qu’elle n’aura plus jamais faim lorsqu’elle sera grande. Son père la chasse de la maison à 19 ans parce qu’elle accouche, fille mère. Elle place son petit Gaston, et débarque à Lyon en 1914. Elle trouve une place pour faire le ménage chez un fabriquant de pâtes. Et s’y découvre des talents aux fourneaux, un jour que la cuisinière manque. Ses patrons la placent alors chez la mère Fillioux, à qui Curnonsky promet la canonisation. Eugénie y apprend à cuisiner la volaille demi-deuil, pochée avec de belles tranches de truffe planquées sous la peau. Elle apprend à préparer les fonds d’artichaut au foie gras, une spécialité de la mère. Les rapports sont rudes entre les femmes. «Nos mères avaient des vies d’homme», dit Jacquotte (65 ans), la petite-fille d’Eugénie. «Du coup, elles n’ont pas trop connu le machisme.»

Jalousie. En avril 1921, Eugénie Brazier s’installe à son compte, au 12 de la rue Royale, près des quais du Rhône. Et devient la Mère Brazier, bientôt connue dans le monde entier. Elle reprend une épicerie-comptoir qu’elle transforme en restaurant vite prisé des soyeux du quartier. Elle adapte les recettes apprises, ce qui suscite la jalousie de son ancienne patronne. Les fonds d’artichaut ne sont plus crus, mais tièdes, et la querelle fait les délices des gourmands de la ville. L’estaminet, aux vitraux donnant sur la rue, aux murs couverts de faïence, est bientôt pris d’assaut et la mère récupère une autre salle, puis un appartement au-dessus pour ouvrir de petits salons qui abriteront de discrètes tractations politiques entre élus.

«A Lyon, résume Jacquotte, on est des tombes, les restaurateurs. On répète pas ce qui s’est dit en mangeant.» Edouard Herriot, grand mangeur de la République, se fait livrer à la mairie des plats pour deux ou trois personnes qu’il déguste parfois seul. Il note un jour dans un cahier : «Au travail, on fait ce qu’on peut. Mais à table, on se force.» Raymond Barre s’inscrira dans cette ligne. «Comme il adorait le boudin et le gras-double, il avait souvent des ennuis avec sa femme», raconte Jacquotte.

Les soyeux font connaître La Mère Brazier à leurs clients américains, japonais, australiens. Curnonsky la couvre à son tour d’éloges, et elle se retrouve première femme triple étoilée au Michelin dès 1933. Le directeur du Waldorf Astoria de New York lui propose ensuite, après la Seconde Guerre, de prendre les fourneaux de son palace. Elle décline. Elle a ouvert un nouveau restaurant, sur un col, près de Lyon. Un jeune commis nommé Paul Bocuse vient y faire ses classes, et Gaston, le fiston, prend la relève rue Royale. C’est le père de Jacquotte. Elle ressemble beaucoup à sa grand-mère, aussi rousse qu’elle, le verbe aussi haut, mais n’a pas gardé que de bons souvenirs de son aïeule : «Elle n’a jamais montré beaucoup d’amour. Au fond, elle restait une paysanne, secrète, dure. Elle s’est aperçue qu’elle aimait mon père lorsqu’il est mort.»

Jacquotte a alors pris la suite rue Royale, continuant la volaille demi-deuil et les fonds d’artichaut. Mais la cuisine des mères lyonnaises commençait à s’assoupir. Jacquotte a vendu en juillet 2004 et les repreneurs ont déposé le bilan en 2007.
Barigoule. La Mère Brazier est resté fermé quelques mois avant que Mathieu Viannay ne reprenne le fond et une partie des murs, en mars 2008. Les banques l’ont suivi, y compris ces derniers jours pour un nouveau prêt. Le luxe ne connaît pas la crise.

Il a conservé faïences et boiseries, le parquet craque toujours, mais le reste a été modernisé. «Je suis ravie que ce soit lui qui reprenne, confie Jacquotte. Je sais qu’il sera créatif tout en respectant ce qui a été fait dans cette maison.» Mathieu Viannay confirme : il veut une cuisine moderne, sur des bases classiques.

Vendredi dernier, pour fêter l’ouverture, un dîner réunissait une quinzaine de proches. Paul Bocuse en était, Jacquotte aussi. Ils ont découvert la déclinaison des fonds d’artichaut au foie gras. Un émincé de fonds, une tranche de foie gras rôti, une petite soupe d’artichauts, et une barigoule évidée abritant une boule de mousse de foie gras, comme un petit cornet de glace. Jacquotte a trouvé cela «délicieux». Elle habite toujours en face du restaurant. Elle occupe sa retraite avec une association qui délivre des bourses pour des jeunes cuisinières. Et a racheté des terres que des paysans cultivent, dans l’Ain.

(1) Eugénie Brazier, un héritage gourmand, de Jean-François Mesplède, éd. Page d’écriture, 2001.

 

Lyon: Mere Brazier is back ! - Simon Says

Quel plaisir d'être là aux premières heures du retour d'un mastodonte. A 19h30, il n'y avait pas encore grand monde. Mère Brazier à Lyon. Ce pourrait être le nom d'un groupe de hip-hop, c'est juste aussi une légende culinaire. Repris par Mathieu Viannay, l'établissement est vraiment réussi avec toutes les céramiques art deco remises à jour. Question cuisine, ça ne moufte pas dans le registre impec: un pâté en croûte, une volaille de bresse et homard, une tarte fine à la chicorée...C'était délicieux, lisible...A 21 heures, j'étais dans le train du retour. Comme soulagé d'avoir retrouvé un lieu en son emplacement. Hautement recommandable pour les amateurs de sensations datées et des plaisirs démodés (les meilleurs!).

12, rue Royale (04.78.23.17.20). Menus à partir de 45 euros. A la carte comptez 100 euros.

  • Lyon: Mere Brazier is back ! - Simon Says
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  • Chez la Mère Brazier : envoyez la sauce ! - Le Monde
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  • Le chef étoilé Mathieu Viannay fait renaître à La Mère Brazier - Le Point
    (30/10/2008)
  • La mère Brazier, « vestale de la table » - L'Humanité
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  • La Mère Brazier - L'Express
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  • Renaissance d'un temple de la gueulardise lyonnaise - slate.fr
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  • Le chef Mathieu Viannay, héros de la BD « 12 rue Royale »
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